Qui l’eut cru ? Depuis le cinéma de George. A. Romero, l’obsession d’une humanité chancelante, en proie à une destruction intestine et putréfiée, n’a fait que prendre une ampleur considérable. Depuis quelques années, ce qui n’était alors qu’un phénomène exclusivement réservé aux salles obscures, s’est étendu de façon plus large au monde de l’audiovisuel. À cet égard, les jeux vidéo n’ont donc pas été en reste, comme en témoigne notamment la série Resident Evil, ou encore assez récemment Zombi U.
Avec The Last of Us, c’est pourtant un cap tout à fait différents qui semble avoir été franchi. Prenez une pincée de monde post-apocalyptique, une poignée de héros livrés à eux-même et un long voyage qui devient la toile de fond d’une réflexion sur la condition humaine ; vous obtiendrez la recette qui semble faire vendre ces temps-ci. Mais un concept ne vaut pas grand chose si personne n’est là pour lui donner vie. Or, de ce côté là, il y a fort à parier que les machinistes de Naughty Dog ont bel et bien signé une de leurs plus belles prestations, voire même l’une des meilleures performances sur PS3.
Test de Last of Us
Le calme après la tempête
Soyons d’emblée très clairs : il n’y a aucun mort-vivant dans The Last of Us. En effet, le parti pris des scénaristes est bien plus insidieux, puisqu’il transporte le joueur dans un monde contaminé par un mal peut-être novateur en ce sens où il s’inspire de la réalité. Ainsi, le cordyceps, champignon mortel qui ne s’attaque en vérité qu’aux insectes, devient dans le jeu la cause d’une pandémie mondiale. Chaque humain contaminé passe par différents stades. Dans les faits, les malades commenceront par présenter une agressivité extrême (ce sont les « coureurs ») puis, chemin faisant, le développement du champignon sera suivi de trois étapes supplémentaires, de la plus soft, où les infectés présenteront quelques plaques fongiques sur le corps, à l’une des plus sévères, la tête du sujet étant totalement déformée par la pousse du cordyceps (les « claqueurs »)… Bon appétit, bien sûr !
L’une des plus grandes réussites de l’histoire est sans aucun doute d’avoir préféré « l’après » au « pendant » de l’événement. Après une brève incursion dans le passé de l’un des héros, Joel, le titre nous transporte en effet directement vingt ans après le début de l’infection. Si le premier contact avec Joel nous montre un jeune père aimant assistant aux débuts de l’épidémie, l’ellipse temporelle qui suit permet de découvrir un tout autre monde. En 2033, devenu trafiquant d’armes sur la marché noir de la zone de quarantaine de Boston, le héros n’est plus le même homme. Accompagné de sa coéquipière, Tess, il vit désormais dans un monde d’une rare violence.Véritable bidonville, la zone sécurisée par les militaires est le lieu de toutes les tensions, notamment, comme le joueur l’apprendra assez rapidement, entre les forces du gouvernement qui, depuis des années, ne pense qu’à parquer les individus loin des infectés, et des miliciens se faisant appeler les « lucioles », persuadés au contraire qu’un remède est possible pour l’humanité.
Sur le plan scénaristique, The Las of Us fait donc preuve d’une intelligence rare, en ce sens où l’horreur du cordyceps n’est pas l’élément le plus monstrueux : ce sont en fait les conditions de vie des survivants et la ruine de la civilisation qui interpellent. Joel et Tess sont devenus, par la force des choses, des tueurs qui n’hésitent pas à éliminer ceux qui mettent leur vie en péril. Aussi, le soft présente de vraies scènes de violence, ce qui implique d’ailleurs implicitement toute une réflexion sur la notion de bien et de mal. Bien entendu, toute aventure nécessite un élément perturbateur. Ainsi, au cours d’une sortie en dehors de la zone, Joel va se retrouver avec la délicate mission de transporter un mystérieux colis pour le compte des lucioles. Hélas, la tâche va s’avérer délicate, le colis en question étant en réalité Ellie, une adolescente de quatorze ans au caractère bien trempé. Pour le cinquantenaire un peu bourru et la jeune fille, c’est le début d’un long voyage à travers une Amérique en ruines, aux paysages presque lunaires.
Une mécanique bien huilée
Le périple d’Ellie et de son protecteur est sublimé par plusieurs éléments. Tout d’abord, le soft propose des environnements d’une assez rare beauté. À la manière du film « I’m a Legend », la grandeur des espaces urbains, avec notamment les buildings, est mise en parallèle avec la pousse d’une végétation qui envahit progressivement les lieux. Du côté de l’inspiration visuelle, The Last of Us mise donc assez haut. On pourra bien entendu reprocher quelques faiblesses, comme par exemple la présence d’aliasing et de textures un peu baveuses, mais il demeure que le constat est plus que favorable. À dire vrai, il s’agit probablement d’un des plus beaux titres sortis à ce jour sur la console de Sony. Le plus impressionnant restera certainement la modélisation des personnages, de même que leur animation, pour laquelle les développeurs ont d’ailleurs eut recours à la Motion Capture. Les déplacements de Joel et d’Ellie sont ainsi très fluides et, surtout, ne manquent pas de réalisme, un trait qui séduira aisément tous les joueurs. Si l’on ajoute à cela des cinématiques à la mise en scène impeccable et une ambiance sonore aux petits oignons (on pensera notamment aux « cris » effrayants que produisent les claqueurs), la formule est réellement gagnante. D’autant que la musique, qui renforce encore davantage l’émotion déjà présente dans l’aventure, est signée par le compositeur Gustavo Santaolalla, connu au cinéma pour avoir travaillé entre autres sur Le Secret de Brokeback Montain ou encore Lord of War. Nous saluerons également la qualité des doublages français, qui ajoutent
une touche finale des plus agréables à l’ensemble.
Mais qu’en est-il du système de jeu ? Concrètement, The Last of Us se présente comme un TPS à la fois tactique et dynamique. En effet, le joueur sera amené à explorer différents lieux, souvent peu ouverts mais propices à l’exploration et, inévitablement, à rencontrer différentes sortes d’adversaires. Or, c’est dans cette optique que le gameplay se montre très inventif, puisque Joel et Ellie auront à faire non seulement aux infectés, mais également à des humains, parfois lourdement armés. Sachez quoi qu’il en soit que dans tous les cas de figures, une approche discrète et tactique sera préférable à des échanges de tirs ou des corps à corps irréfléchis. Par exemple, pour évoluer parmi une foule d’infectés, il faudra prendre en compte plusieurs paramètres. En effet, là où les « coureurs », bien que rapides, se montreront faciles à éliminer (même au corps à corps), les « claqueurs » qui lanceront une attaque contre le joueur signeront par la même occasion son arrêt de mort, à moins qu’il n’ait développé une aptitude spécifique dans le maniement du surin. De façon générale, il faudra donc rester dans l’ombre et ne pas faire de bruit, d’autant plus que les infectés les plus dangereux sont aveugles mais ont l’oreille fine !
Aux armes citoyens… ou pas
L’arsenal à disposition inclut un certain nombre d’armes à feu qu’il sera possible de récupérer en chemin. Chacune possède ses propres avantages, mais il demeure que les ressources en munitions sont assez limitées. Une autre difficulté à prendre à compte est l’absence d’étui , ce qui obligera Joel à ne choisir qu’une arme à la fois et à fouiller dans son sac à dos pour en récupérer une autre. Un inconvénient qui disparaîtra cependant au fur et à mesure de l’aventure, puisqu’il sera possible d’améliorer son équipement et ses compétences. Cet aspect du jeu participe grandement à la nécessité de miser sur l’infiltration, par exemple en étouffant un garde ou un infecté. Des armes de mêlées, dont la durée de vie est d’ailleurs limitée, sont également présentes, de la plus improvisée, comme une simple planche de bois, à la plus efficace, comme la machette. L’interaction avec l’environnement reste quoi qu’il en soit axée sur la prudence, de nombreuses briques et bouteilles pouvant être ramassées afin de servir à détourner l’attention de l’ennemi une fois jetées en l’air.
Enfin, comme souvent dans ce type de jeu, le héros dispose d’une capacité spéciale (upgradable), en l’occurrence une ouïe développée, qui lui permettra de discerner les adversaires à distance et, surtout, à travers les murs. Bien que cet atout soit plaisant, son utilisation excessive risquera malgré tout de gâcher une partie du plaisir de jeu : les phases d’infiltration au milieu des infectés en perdront ainsi
un peu de leur saveur. Quoi qu’il en soit, l’une des plus belles trouvailles en matière de jouabilité est sans conteste possible la gestion des ressources. En effet, au détour des quartiers abandonnés, Joel sera capable de fabriquer différents objets tels que des kits de soins, des cocktails Molotov ou des grenades artisanales. Néanmoins, il s’agira de choisir intelligemment à quel élément consacrer les matériaux à disposition : sacrifier de l’alcool pour fabriquer un cocktail explosif, ou le conserver pour se crafter un kit de soin, telle sera la question !
Pour terminer sur une note moins plaisante, si l’IA alliée est assez bien gérée, notamment lors des phases de combat, il n’est malheureusement pas toujours possible d’en dire autant des adversaires. En effet, bien que le comportement des infectés soit cohérent, les ennemis humains, eux, agiront parfois de façon étrange. Souvent agressifs et rusés, ils se montreront souvent prudents lorsqu’il s’agira d’attaquer mais, en contrepartie, n’auront aucune réaction à la vue des alliés tels qu’ Ellie, préférant de loin s’acharner sur le joueur. Un petit défaut auquel s’ajoute la facilité avec laquelle il est possible d’attirer leur attention. En effet, même une fois repéré, vous pourrez aisément vous planquer et jeter la première brique qui passe pour les faire se retourner et chercher dans une autre direction… regrettable, mais pas si dérangeant au fond, puisque le titre dispose malgré tout d’une somme de qualités assez impressionnante, qui comprend d’ailleurs une durée de vie d’une vingtaine d’heures, ce qui n’est clairement pas négligeable.
Les infectés anonymes
Vivre seul une expérience vidéoludique dans un monde post-apocalyptique c’est bien, mais à plusieurs ça peut être sympa aussi. À la campagne solo se rajoute en effet un mode multi qui, s’il ne révolutionne pas le genre, s’inscrit plutôt bien dans l’esprit du jeu. Dans des matchs opposants deux équipes de quatre, le multijoueurs de The Last of Us propose en effet de s’essayer à la survie à plusieurs. Les
deux modes de jeu présents à l’origine sont en fait des variantes du mode deathmatch, mais possèdent malgré tout un contenu novateur puisque les éléments déjà présents dans le gameplay de la campagne y ont étés intégrés. Le système de craft, qui impose une gestion stratégique des ressources, ainsi que la capacité de se concentrer pour écouter les déplacements de l’ennemi seront autant d ‘éléments à prendre à compte.
Tout cela laisse donc présager de bonnes heures de divertissement, surtout si l’on ajoute un troisième mode, baptisé « Interrogation », disponible gratuitement depuis l’arrivée du patch 1.03 à la fin du mois d’août. Comme son nom l’indique presque, Interrogation propose une vision différente des affrontements. Il s’agit en effet de piller les ressources adverses, qu’il ne sera possible de localiser qu’une fois l’adversaire passé à tabac… Violent donc, mais en définitive en parfait accord avec l’univers proposé par le jeu.
En fin de compte, The Last of Us est un cocktail détonnant. La recette qui est la sienne en fait un divertissement proche du septième art, mais va cependant au-delà de ce parallèle en proposant une immersion totale. Ce qui reste d’humanité chez les personnages est le point névralgique de toute l’aventure et, les monstres ne sont en définitive pas toujours ceux que l’on croit. Assurément, brutalité et poésie se côtoient pour le plus grand plaisir du joueur qui, quelles que soient ses attentes en matière de jeux vidéo, risque fort de ne pas ressortir indemne une fois arrivé au terme de l’aventure. Les quelques défauts de l’IA n’y feront rien, Naughty Dog nous livre une production de très grande qualité, capable de nous tenir en haleine du début à la fin. Oui, la frontière entre le bien et le mal est difficile à cerner, mais c’est là toute la force du jeu.
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