Impossible d’y échapper si vous avez récemment arpenté les réseaux sociaux : Spider-Man 2 est enfin disponible sur PlayStation 5 (avec Super Mario Bros. Wonder dans un tout autre registre). Comme à l’accoutumée, cette sortie majeure est accompagnée d’une campagne marketing bien huilée faisant la part belle au nouveau titre d’Insomniac Games.
En parallèle et faisant partie intégrante d’une stratégie millimétrée, les premiers tests sont également tombés. Et le verdict est sans appel : c’est une pure réussite (il nous faudrait des heures pour relever l’ensemble des superlatifs utilisés, parfois à la limite de l’hyperbole). Et comme toujours, à côté de ce feu d’artifice d’avis plus ou moins sérieux, des notes à foison. Sur 5, sur 10, sur 20, sur 100 (bientôt un barème sur 1 000 ?) ou encore sous la forme d’étoiles, les notes pullulent avec un objectif : synthétiser de manière instantanée des lignes et des lignes de contenu explicatif.
- IGN : 8/10
- Gamesradar : 5/5
- VGC : 5/5
- Eurogamer : 4/5
- GameSpot : 8/10
- PushSquare : 8/10
- VG247 : 5/5
- PSUniverse : 10/10
- GamingNexus : 10/10
- Metacritic : 91
- OpenCritic : 91
On le dit, on le répète (et on continuera de le faire), cette façon superficielle de catégoriser systématiquement une sortie jeu vidéo ne rend nullement service au média. On ne doute pas que Spider-Man 2 soit un excellent jeu, plus abouti et impressionnant que ses deux épisodes précédents (notre critique est d’ailleurs en cours), mais des chiffres ne peuvent en aucun cas représenter des heures de découverte, une expérience.
La course à la meilleure note est perdue d’avance. Celle-ci ne révèle plus grand-chose et gomme notre capacité à prendre du recul, à digérer un titre. Elle a surtout une valeur marketing non négligeable : qui n’a jamais vu une affiche d’un jeu avec toutes ces notes élogieuses affichées telles des trophées de la part de son éditeur ?
Encore une fois, loin de nous l’idée de tirer sur Spider-Man 2. On pointe uniquement du doigt notre façon de consommer, de s’informer. Car après tout, si on y réfléchit, la source du problème est là. L’information doit aller vite, et on n’a plus le temps de lire des tests complets. Est-ce vraiment le cas ? On n’a plus le temps ou on ne prend plus le temps ? La nuance est de mise.
Les réseaux sociaux (X en tête) déforment notre rapport au temps et à l’information. L’instantanéité a un prix. Et ce dernier ne se limite pas aux jeux vidéo, mais à tous les secteurs confondus. Lire un article du Monde (ou autre rédaction reconnue) ? Pour quoi faire ? J’ai un post qui résume le fait divers en deux lignes sur mon feed. Lire un avis complet de Spider-Man 2 ? Inutile, il y a Metacritic et même un tableau avec les points forts et faiblesses du jeu (tout aussi inutile et dangereux).
À ceux qui prendront le temps de lire ces lignes, cassez cette habitude de prendre part à cette danse de notes, à cette vacuité maquillée en artifice marketing. Le jeu vidéo vaut tellement mieux que ça.
Sélectionnez une poignée de sérieuses rédactions (ici ou ailleurs, mais ici, c’est mieux quand même) et prenez connaissance de leur retour complet. Lisez, visionnez (si vidéo), mais surtout creusez l’information. Tout le monde s’en retrouvera grandi, à commencer par vous. Excusez ce ton un poil moralisateur, mais la situation est urgente. L’information (encore une fois tous secteurs confondus) est en danger. Il est peut-être temps de corriger le tir avant qu’il ne soit trop tard, et qu’il ne reste que du JV.com en site spécialisé…
Je ne penses pas que le souci vienne tant que ça des lecteurs. Les lecteurs n’ont pas tous ni l’envie ni le besoin de se plonger dans un test de 3500 mots pour savoir s’ils vont acheter l’un de leurs 5 jeux de l’année, et surement pas s’il s’agit d’un titre comme Spider Man ou Forza. Les joueurs comme ça vont juste se contenter de savoir si le jeu est bon ou pas, et n’auront pas besoin de creuser plus le sujet avant achat. C’était déjà le cas lorsque l’on allait feuilleter les magazines JV sans forcément les acheter et qu’on regardait les notes à la volée.
Et les joueurs qui ont l’envie d’aller lire des tests et de se renseigner plus en profondeur sur le prochain titre qu’ils vont acheter, ne vont pas forcément se plonger dans les rédactions généralistes. Dans les gros il y avait encore Gamekult qui savait lier généraliste et richesse informative, mais c’est terminé et c’est la culture de leur côté très « à contre courant » qui leur permettait de s’attirer un public plus pointu.
Mais avec le temps le jeu vidéo se diversifie tellement, que si l’on est un joueur un peu intensif, que l’on cherche des informations de qualités sur des jeux donnés, alors on aura plus tendance à fragmenter nos recherches et à aller là ou l’on sait qu’on pourra lire ou regarder des tests écrits par des gens qui savent de quoi ils parlent, notamment car on les sait spécialisés dans un genre donné (Ex: Exserv pour les Souls). Je prends mon exemple, Forza vient de sortir, et si je vais sur un site généraliste random, on va surement me parler de simulation, alors que c’est tout sauf une réelle simulation. En tant que connaisseur, je n’ai que faire d’aller lire le test d’un mec qui aura joué 5 heures à un jeu au milieu d’un flux ultra tendu de tests, et qui va commencer à me sortir des trucs aberrants. J’irai donc du côté d’un site ou d’un vidéaste qui s’y connait réellement.
Hors JVCOM qui est l’exception, et les autres gros qui survivent sur les cendres de leur gloire passée ou en compromettant leur intégrité ; je pense qu’il va devenir compliqué pour un généraliste indépendant d’envergure plus modeste, de réussir à prendre 15 minutes du temps d’un joueur pour lui exposer un point de vu, aussi bon soit-il.
Il y aurait encore tant à dire sur le sujet, je pourrais partir dans énormément de directions différentes et notamment en évoquant tout le mal que fait JVCOM and Co au reste des presses indépendantes généralistes, mais aussi la surenchère marketing constante qui ne fait que vomir sa bile sur notre passion préférée.
Donc en bref, pour moi, le combat ce n’est pas de faire en sorte que les joueurs se remettent à lire, mais plutôt de réussir, en tant que généraliste, à trouver une direction différenciante, qui donnera aux joueurs l’envie de lire plutôt que de juste regarder la note finale des gros. Et je pense que pour cela, il faut choisir une orientation éditoriale bien plus radicale, quitte à sacrifier certains pans, et ne pas avoir peur de trancher dans le vif certains titres qui ne sont rien d’autre que des redites éprouvées depuis 15 ans. C’est ce que j’ai plaisir à retrouver chez New Game +, et j’espère y trouver une orientation encore un peu plus radicale à l’avenir, afin de se démarquer des concurrents !